Chaque roman, quel que soit son genre, a un registre dominant qui détermine l'impact de l'œuvre sur les lecteurs.
Si c'est un homme, de Primo Levi
Primo Levi dans son célèbre ouvrage, raconte son expérience avec un style très synthétique et méthodique mais aussi avec une telle sobriété que les scènes deviennent alors simples à comprendre mais aussi pénibles à accepter. Les scènes décrites, pour la plupart du temps, comportent des anecdotes troublantes et donc, nous paraissent choquantes grâce à sa facilité d'écriture.
Nous pouvons dire que dans ce roman il n'existe pas de registre dominant. Au premier abord, on pourrait imaginer que Primo Levi raconterait son histoire en utilisant un registre pathétique, pour exprimer sa souffrance, ou encore, un registre polémique pour montrer sa rancœur envers les nazis, qui lui ont volé une grande partie de sa vie mais, aucune trace de ces deux registres. Il n'exprime pas sa haine envers les SS, ni même sa tristesse ou encore son désespoir. Son but était avant tout informatif.
La mort est mon métier, de Robert Merle
L'extermination des détenus est décrite de façon neutre, comme si le narrateur n'était pas concerné par la vie de ces hommes, qu'il tue. La solution finale est racontée sans sentiments.
Aucune trace de registre pathétique. Aucune pitié à l'égard des prisonniers. Comme nous l'avons vu dans le traitement des hommes dans les camps, le narrateur ne considère pas les prisonniers comme des hommes mais comme des cobayes servant à tester de nouvelles techniques de gazage.
Et tout cela sans pitié ou dégoût. Aucune trace de sentiments pour tous les hommes qu'il tue sans remord.
Le mort qu'il faut, de Jorge Semprun
Jorge Semprun nous raconte une nuit à Buchenwald où il doit prendre l'identité d'un jeune garçon mourant. Mais il la raconte sans pathos ni colère. En effet on ne perçoit aucune connotation péjorative ni dans l'utilisation des adjectifs ni dans la manière d'exprimer ses sentiments, aucune marque de tristesse ni de colère.
Ce récit est comme un soulagement ; un sentiment d'apaisement domine dans ce livre, car comme on le saura plus tard, ce souvenir noir de sa vie avait été refoulé tout au fond de lui jusqu'à même être oublier.
La nuit, d'Elie Wiesel
Elie Wiesel nous raconte son histoire avec la vision d'un adolescent de quinze ans. Le registre pathétique est assez présent quand il exprime ses sentiments et les réactions de ses parents. « Mon père pleurait. C'était la première fois que je le voyait pleurer. Je ne m'étais jamais imaginé qu'il le pût ». Le jeune homme voit les horreurs causées par la guerre et la cruauté des Allemands à travers ses yeux d'enfant. Il perd peu à peu ses illusions sur la vie et la religion.
Le registre polémique aussi est présent car, en vivant l'horreur dans les camps, l'auteur fini par renier Dieu, ce Dieu qu'il aimait tant au début du roman. Il ne voit pas pourquoi il prierait un Dieu qui les torture, lui et tous les autres détenus.
Au premier abord, on pourrait penser que, dans un roman où est raconté une expérience horrible, vécue par l'auteur, on trouverait plus de pathétique pourtant, le narrateur ne s'épanche pas tant sur l'atrocité de son emprisonnement. Cette vision est présente tout de même mais moins que l'on pourrait le penser.